♣ FOR BLUE, BLUE SKIES.

Weasley travaillait dans ce bar depuis maintenant deux ans. Elle avait eu du mal à se faire accepter à cause de son caractère plutôt difficile à gérer. Mais elle avait réussi, ses collègues l'avaient vraiment acceptée. Et bizarrement, ce lieu apaisait ses crises, l'harmonie des couleurs, les emplacements, elle était très sensible à cela. La jolie rouquine était dans le sellier, en train de prendre des bouteilles. « Tu le sais. » Weasley se retourna brusquement. Elle était toute seule, toute seule dans cette petite pièce d'à peine 8M². « Qui est là ? » Pas de réponse. Elle fronça les sourcils et secoua légèrement la tête. Bon sang, comme si sa maladie n'était pas assez présente, il fallait qu'elle entende des voix maintenant. Cela ne pouvait être que son imagination qui lui jouait des tours. Elle retourna à ses affaires, triant les bouteilles dont elle avait besoin. « Tu sais ce que tu dois faire. Souffrir autant que moi j'ai souffert. » Weasley sursauta et fit tomber une bouteille en verre à ses pieds. Celle-ci se brisa par terre. Elle se précipita hors de la pièce, des larmes remplissaient ses yeux verts. Un de ses collègues passa devant elle et la regarda bizarrement. « Quoi ? Tu veux une photo ? » Ça recommençait. Son humeur était haute, puis basse, elle devenait d'un coup exécrable avec tout le monde. De plus, un sentiment nouveau venait l'habiter, la peur. Elle essuya ses yeux puis pensa à un remède. Son remède. Non, ce n'est pas un médicament, ni une piqure de quoi que ce soit, c'était Taram. L'amour de sa vie. La seule personne qui arrivait à l'apaiser.

Weasley se dirigea vers les vestiaires. Elle s'installa sur un des bancs et enfouit sa tête dans ses mains. Elle resta quelques instants dans cette position puis attrapa son portable dans son sac. Elle composa le numéro de Taram, après quelques tonalités, elle tomba sur la messagerie. Elle soupira. « C'est moi. Je... Ça va pas trop. J'ai... Tu vas me prendre pour une cinglé... J'ai entendu des voix. Enfin une voix, une femme, c'était... Bon. Je termine dans une heure, rejoins-moi. » La jeune femme raccrocha. Elle aurait aimé lui parler, mais le voir serait encore mieux. La rouquine sortit du vestiaire et alla terminer son travail, dans un état de nervosité indescriptible, tout l'irritait. Les collègues, les clients, le patron, tout le monde. Elle fit quelques commandes, lava un peu les tables, puis alors qu'elle finissait de compter sa caisse. Elle vit Taram passer l'entrée du bar. Weasley se sentait tout de suite légèrement apaisée.

Messages : 12 Date d'inscription : 24/10/2010 Age : 32 Localisation : Byron Bay.

« ENFIN ! »

Levant les bras en l’air avec un cri de joie, Taram jubilait. Il avait enfin terminé le script qu’il avait commencé quatre heures plus tôt, se battant littéralement contre les codes du site internet pour que celui corresponde exactement à ce que son employeur voulait. Etant perfectionniste de nature, il ne s’arrêtait jamais avant de terminer ce qu’il avait entreprit, ce qui avait pour conséquence de le faire perdre la notion du temps. Il aurait pu passer, deux, quatre ou huit heures devant son écran sans se rendre compte de rien. Mais cette fois, il avait vraiment terminé le projet sur lequel il travaillait depuis maintenant un mois et demi, et prenait cela comme une victoire personnelle. A chaque fois qu’il terminait un site internet, en fait. Il n’en fallait pas plus pour le rendre heureux.

Attrapant son téléphone pour prévenir l’entreprise qu’il leur présenterait le projet le lendemain, il remarqua un message de Weasley. Etrangement, il n’avait même pas entendu le vibreur, mais un sentiment d’inquiétude l’envahit. La jeune femme n’avait pas l’habitude de l’appeler quand elle travaillait, et si elle le faisait, c’est qu’il se passait quelque chose. Il composa le numéro de sa messagerie et fronça les sourcils en entendant la voix hésitante de Weasley. Elle entendait des voix ? Quelque chose clochait, c’était certain. Elle lui demandait de le rejoindre une heure après. Consultant sa montre, il se leva d’un bon : le message avait été laissé il y a une cinquantaine de minutes, et s’il ne partait pas maintenant il ne serait pas présent à la fin de son service. Ce qu’il préférait éviter.

D’un geste, il attrapa son téléphone, ses clés, et dévala rapidement les marches de leurs appartement. Il connaissait la route menant au restaurant par cœur et en quelques minutes arriva à bon port. Passant la main dans ses cheveux en les ébouriffant un peu plus, il franchit la porte d’un pas assuré, un sourire chaleureux sur le visage. Il était inquiet pour elle à cause du ton de son message, mais savait que le meilleur moyen de la rassurer était de se montrer confiant. Concentrée sur la caisse qu’elle terminait de compter, Weasley croisa son regard. Il lui fit un signe de la main puis s’approcha rapidement d’elle. Sans s’occuper du patron qui le regardait d’un drôle d’œil, mais qui avait l’habitude de le voir dans les parages, il passa derrière le comptoir et serra sa petite amie dans ses bras. Pendant un instant qui sembla durer beaucoup plus longtemps, il resta immobile puis recula légèrement pour la regarder droit dans les yeux.

« Je suis là maintenant Weasley. Raconte-moi ce qui s’est passé. »

Après être entré dans le bar, Taram fila en direction du comptoir, fit le tour et arriva droit devant Weasley. Il prit cette dernière dans ses bras. Elle enfouit sa tête contre son épaule et inspira profondément, son odeur, sa peau, tout ça la calmait. Elle ferma les yeux, doucement. Lorsqu'il se recula, un petit sourire s'était dessiné sur les lèvres de la jeune femme.

« Je suis là maintenant Weasley. Raconte-moi ce qui s’est passé. »

Elle se recula doucement et ferma la caisse, notant son montant sur un papier qu'elle rangea dans un tiroir. La jolie rousse se tourna vers son compagnon, puis son regard se détourna vers l'horloge géante qui ornait la salle. 18h58. Weasley sentit que les yeux de son patron était rivés sur elle. Elle lui lança un regard des plus noirs, détacha son tablier, et fit signe à Taram de la suivre. Elle posa son tablier devant son patron.

« Ne vous inquiétez pas, je rattraperai mes deux minutes la prochaine fois. » Elle leva les yeux au ciel puis attrapa la main de son petit ami. Ils se posèrent à une table, pas très loin des vestiaires. Ils étaient à présent tous les deux assis sur une de ses petites banquettes en cuir blanc, très confortables au passage. Weasley se tourna doucement vers lui, et fut traversée d'un frisson lorsqu'elle repensa à ce qui venait de se passer.

Taram était en attente d'une explication. Mais comment passe pour quelqu'un de censé alors qu'on a déjà l'impression d'être soi même une folle ? Elle passa nerveusement sa main derrière sa nuque.

« Je te jure que j'ai entendu quelque chose. Une femme qui me parlait, alors qu'il n'y avait personne Taram, personne. Rien du tout. » Elle ressentait un besoin urgent de se justifier. Sa maladie l'a toujours empêchée d'être crédible pour quoi que ce soit. Cette dernière s'est déclenchée à l'adolescence, vers l'âge de quatorze ans, elle a donc apprit à vivre avec. Cependant, elle a toujours peur de ne pas être prise au sérieux. Car elle sait que parfois, il ne vaut mieux pas, vu ses humeurs. Souvent, elle peut dire des choses qu'elle ne pense vraiment, tout ça à cause d'une crise. Mais cette fois, c'était réelle. Et elle ferai tout pour qu'il la croit.

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En écoutant le message de Weasley, Taram avait cru que le pire était arrivé, qu’elle avait fait une crise imprévue pendant son travail. Cette hypothèse aurait été la pire, puisqu’il savait à quel point il était difficile pour elle d’entretenir une vie sociale lorsque son humeur pouvait changer du tout au tout en quelques secondes. Pourtant, à la voir sourire ainsi, il se rendait compte qu’il y avait eu plus de peur que de mal. Ou du moins qu’elle avait réussit à se donner une contenance lorsqu’il était arrivé. Sa présence la rassurait, et il n’hésitait pas à changer ses plans pour améliorer son quotidien. C’était la moindre des choses, et cela lui permettait de rester dans une humeur sereine plus longtemps, leur faisant presque oublier sa maladie.

Le jeune homme réprima un rire en voyant le patron les fusiller du regard. A quoi bon ? Il n’y avait plus un seul client, et deux minutes à attendre au comptoir n’allaient pas changer le cours de la journée. Il n’osa toutefois pas lancer une plaisanterie pleine d’esprit à l’homme à la carrure imposante et se contenta de suivre Weasley à l’autre bout de la pièce, sur une des banquettes. Le patron vivant littéralement sur place, ils n’avaient aucune crainte de se faire mettre dehors au bout de quelques minutes. Sans dire un mot, il contempla la jeune femme qui semblait de nouveau agitée, perdue. Ce qui lui était arrivé l’avait perturbée, et il n’avait qu’une hâte : en trouver la raison et la rassurer.

« Elle t’a dit quoi ? Cette femme, qu’est ce qu’elle t’a dit ? » La voix était probablement une manifestation du subconscient de Weasley, auquel cas il fallait qu’elle lui en dise plus pour laisser échapper ce qui la hantait. Toujours parfaitement calme, il prit la main de la jeune femme et la serra dans la sienne. Elle tremblait.

« Tout va bien, je suis là. Tu étais où quand ça s’est passé ? »

Il fallait qu’il comprenne. Et pour l’instant, bien qu’il ne le laissait pas paraitre, il était aussi perdu qu’elle. Ce genre d’hallucination ne lui ressemblait pas. Sa maladie se caractérisait au contraire par des changements d’humeur, mais certainement pas par des voix venues d’on ne sait où. Et il lui faisait suffisamment confiance pour savoir qu’elle ne lui racontait pas de bêtises : cette voix, qui que ce soit, elle l’avait vraiment entendue.

Weasley commençait à trembler de tout son corps. Elle ressentait presque des décharges électriques dans son dos. Comme si quelqu'un essayait de lui faire mal. Mais ça, ce n'était sûrement que son imagination. Ce ne pouvait être autre chose. Mais ces voix là, elle était persuadée que ce n'était pas dans sa tête. Le surnaturel, voilà la solution. C'était tellement fou. Elle n'a jamais pensé que cela pouvait exister. Les fantômes, les esprits, tout ça n'existait pas, c'était digne des plus grands romans, des films d'horreur, mais ce n'était sûrement pas la réalité. C'était tout bonnement impossible. Mais alors, d'où tout cela pouvait venir ? Peut-être ses collègues, une mauvaise blague à l'approche d'Halloween. Non, cette scène dans le cellier s'était vraiment passée, sans aucun artifice.

« Elle t’a dit quoi ? Cette femme, qu’est ce qu’elle t’a dit ? »

Elle baissa légèrement la tête, ce qu'elle avait entendu n'était pas vraiment positif. La jeune femme replaça une de ses mèches derrière son oreille machinalement.

« Elle m'a dit qu'elle voulait que je souffre, autant qu'elle. »

Weasley pensait que cette phrase ne lui avait pas été destinée pour rien. Elle a souvent des pensées suicidaires, et ces mots lui faisaient vraiment peur. Puis elle reprit.

« Et... Que je savais ce que je devais faire pour que ce soit le cas. »

Weasley se mit à réfléchir à ce qui la ferait le plus souffrir. Le perdre. Perdre Taram, ou lui faire du mal, voilà ce qui serait le pire pour elle. Cette pensée la plongea dans un désarroi total. « Tout va bien, je suis là. Tu étais où quand ça s’est passé ? »

Elle n'entendait plus rien. Elle pensait juste au fait qu'elle pourrait lui faire du mal à cause d'une de ses crises, ou pire, à cause des voix qu'elle entendait à présent. Et c'était juste insoutenable. La jeune femme regarda la main de son petit ami, qui s'était posée sur la sienne. Elle la retira brusquement puis se recula. Elle paniquait.

« Tu ne peux pas rester avec moi. Je vois pas pourquoi... Pourquoi tu restes avec moi Taram ? Je vais finir par te blesser, ou pire... Je... »

Elle se leva.

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Le bar était maintenant silencieux, seulement animé par les éclats de voix provenant de la télévision du patron et le bruit des cuisines. Bien qu’il refusait de le faire savoir à Weasley, le jeune homme n’était pas très à l’aise dans cet environnement, préférant le confort de leur appartement. Mais si elle voulait rester encore un peu ici, alors Taram allait faire de son mieux pour lui faciliter la tâche. Car elle tremblait comme une feuille à l’instant présent, et il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il pouvait faire pour qu’elle se détende. Une crise de panique, ce n’était pas chose si rare dans le cadre de la maladie de la jeune femme. Mais c’était les hallucinations qui l’inquiétaient particulièrement, car si c’était effectivement le cas, alors sa bipolarité aurait prit une tournure totalement différente. Et il refusait de croire qu’elle n’allait pas guérir, que son état ne pouvait que s’empirer. Il allait tout faire pour être le plus présent possible, pour être son point d’ancrage, celui sur lequel elle pouvait compter.

Il resta un instant silencieux quand elle parla de la souffrance qu’elle devait s’infliger. Pour exorciser ses démons, il fallait la laisser parler, la laisser évacuer ce qu’elle venait de vivre. Avalant difficilement sa salive, il resta impuissant à la regarder s’agiter, paniquer une fois de plus, sans que ses mots ne l’atteignent. Elle dégagea la main qu’il tenait dans la sienne, puis recula brusquement et se leva. Cette fois, c’était plus grave que ce qu’il avait pu imaginer. Jamais il n’aurait cru qu’ils en viendraient à de tels extrêmes.

« Weasley. Weasley, écoute moi. WEASLEY ! »

Elle continuait de reculer, et ses yeux avaient prit un éclat paniqué. Il se leva à son tour, sans s’excuser d’avoir lever la voix et posa ses mains sur les épaules de la jeune femme. Son regard fuyait et elle semblait vouloir s’en aller, mais c’était sans côté le caractère particulièrement obstiné de Taram.

« Regarde moi. Weasley, regarde moi. »

Il répétait délibérément son prénom jusqu’à ce qu’elle lève enfin les yeux vers lui.

« Tu sais très bien pourquoi je reste avec toi Weasley. Parce que je t’aime et que sans toi, ma vie n’a plus aucun sens. Et je suis assez grand pour me protéger alors non, tu me blesseras pas. »

» lèn • when the stars go blue